Les archives du Centre d’Art - Patrimoine documentaire pour l’Amérique Latine et les Caraïbes

Lors de sa réunion annuelle qui s’est tenu à Curaçao du 23 au 25 octobre 2017, le Comité Régional Amérique Latine et Caraïbes du Programme Mémoire du Monde de l’UNESCO a conféré au fonds d’archives du Centre d’Art le statut de patrimoine documentaire régional.

L’UNESCO ET LE PROGRAMME MEMOIRE DU MONDE POUR L’AMERIQUE LATINE ET LES CARAÏBES

Considérant le patrimoine documentaire comme le reflet de l’évolution de la pensée, des découvertes et des réalisations de l’humanité, l’UNESCO crée le Programme Mémoire du Monde en 1992. Ses objectifs principaux sont de promouvoir la conservation des collections d’archives et de bibliothèque partout dans le monde et d’en assurer la plus large diffusion.

Haïti est affilié au comité régional du programme Mémoire du Monde pour l’Amérique Latine et la Caraïbes.

LE CENTRE D’ART ET SON FONDS D’ARCHIVES, PATRIMOINE HAÏTIEN ET REGIONAL

Le fonds d’archives du Centre d’Art : « Mémoire de l’art haïtien, Histoire d’un lieu de création (1944-2010) » est désormais promu au rang de patrimoine documentaire régional. De fait, ces archives, richement documentées et constituées de supports variés (textuel, photographique…) témoignent de l’histoire institutionnelle et artistique du Centre d’Art ainsi que de son rôle prépondérant dans le développement et la diffusion de l’art haïtien localement et internationalement. Le fonds d’archives du Centre d’Art constitue un fonds de recherche jusqu’à présent peu exploité.


Le Centre d’Art, précurseur en Haïti

DeWitt Peters et des artistes et intellectuels haïtiens comme Albert Mangonès, Philippe Thoby-Marcelin, Georges Remponeau, Maurice Borno ou Jean Chenet fondent l’institution en 1944. Initialement conçue comme une école d’art non conventionnelle, l’institution suscite rapidement l’intérêt de personnalités comme Wifredo Lam, José Gómez Sicre, René d’Harnoncourt ou André Breton et devient un lieu de diffusion et de promotion de l’art haïtien. Le Centre d’Art est reconnu d’utilité publique en 1947.

Le Centre d’Art créé le premier journal des arts plastiques en Haïti «STUDIO No 3» en 1945 et permet le développement de plusieurs écoles et mouvement artistiques.

Il est également à l’ origine de la création du Musée d’Art Haïtien et des fresques murales de la Cathédrale épiscopale Sainte-Trinité de Port-au-Prince, œuvre de référence pour l’art haïtien.


Le Centre d’Art, au cœur du rayonnement de l’art haïtien

Le Centre permet à la peinture « populaire » pratiquée par des artistes autodidactes, issus de milieu modestes d’être révélée nationalement et internationalement. L’art haïtien est présenté à l’international dès 1945 avec l’exposition de la Havane. Des musées comme le Museum of Modern Art de New York font l’acquisition d’œuvres à travers le Centre. Des bourses internationales prestigieuses sont obtenues comme pour Antonio Joseph à la Guggenheim Fondation en 1953 et en 1957.

Au cours des années, des artistes haïtiens notoires sont révélés par le Centre d’Art sur la scène internationale dont Philomé Obin, Hector Hyppolite, Georges Liautaud, Antonio Joseph, Rigaud Benoit, Robert St Brice, Jasmin Joseph, Préfète Duffaut…


Le Centre d’Art, lieu de convergence dans les Caraïbes 

Comme révélé par ses archives, l’institution est un véritable carrefour de l’art en Haïti. De fait, nombreux sont les artistes étrangers venus y exposer : Wifredo LAM (Cuba), Jason Seley, William Calfee, Ruth Van Sickle Ford (USA), Eelco C. Leegstra (Hollande) pour ne citer qu’eux.

C’est également un lieu de rencontres et de réflexion unique en Haïti depuis son ouverture. Des intellectuels, des critiques d’art et des visiteurs étrangers de renom s’y côtoient comme le chef de file du surréalisme André Breton (France), le critique d’art José Gómez Sicre (Cuba), l’anthropologue-ethnologue Alfred Metraux, ou les écrivains Truman Capote (USA) et Jean-Paul Sartre (France)

L’INSCRIPTION SUR LE REGISTRE AMERIQUE LATINE ET CARAÏBES

De la sauvegarde à la valorisation

Les archives tout comme les collections ont été sauvegardées suite au tremblement de terre de 2010. Apres un prise en charge du projet du Smithsonian « Conservation et de Sauvetage des Biens Culturels » en partenariat avec le Ministère de la Culture d’Haïti, les collections et archives ont réintégré le site historique du Centre en 2012.

L’expertise de l‘association française Archivistes Sans Frontières-France (AsF) est sollicitée et un partenariat débute en 2015. Cette collaboration permet de classer plus de soixante-dix mètres linéaires d’archives, de mettre en place un plan de classement et une base de données, de numériser plus de trois mille documents (archives et photographies) et d’améliorer significativement les conditions de conservation. Une jeune juriste haïtienne est également recrutée et formée. Les archives sont aujourd’hui accessibles à la recherche.


Les enjeux de l’inscription

Protéger, conserver et préserver :

Les efforts pour constituer des archives au Centre d’Art datent de sa création (Jean Chenet, secrétaire archiviste 1944) et de la vision de ses fondateurs, conscients qu’un tournant décisif de l’histoire de l’art haïtien était en train de se jouer.

Protéger et conserver le fonds d’archives du Centre d’Art est au cœur des priorités du projet de renaissance du Centre d’Art depuis le tremblement de terre de 2010.

L’inscription du fonds dans le programme Mémoire du Monde pour l’Amérique Latine et Caraïbes est significative d’efforts importants de la part de la nouvelle administration du Centre. Cependant, la situation actuelle du Centre d’Art, aménagé dans des espaces temporaires, reste précaire. L’institution nécessite une reconstruction pérenne afin de conserver son patrimoine dans le long terme.


Transmettre :

La transmission passe par l’accessibilité aux archives. Afin d’ouvrir plus largement ce fonds, le Centre d’Art a rapidement pris des mesures. C’est ainsi qu’un important chantier de numérisation est engagé depuis janvier 2016 grâce à l’acquisition d’un scanner professionnel. A ce jour, plus de 3 000 documents ont été numérisés.

La priorité a été donnée au fonds iconographique. Il est composé de représentations des œuvres, de portraits d’artiste, d’événements organisés par et/ou au Centre. En parallèle, les documents textuels (manuscrits, dactylographiés, imprimés, etc.) identifiés lors du tri et classement comme étant les plus précieux et rares font l’objet de cette opération de numérisation dans le même souci de préservation.

Le rayonnement de l’adhésion du Centre d’Art au programme Mémoire du Monde contribue à faire connaître le fonds d’archives au plus grand nombre.