Affronter Martissant pour l'amour du graffiti

© Charly Amazan

Roussel Dat est un jeune artiste polyvalent. Il a toujours rêvé d’ajouter le graffiti à son arc. Il a sauté sur la première occasion que lui a offert le Centre d’Art. Même les actes de banditisme fréquemment enregistrés à Martissant ne pouvaient le dissuader.

Il dirige habilement sa bombe de peinture. Roussel tente de reproduire fidèlement sur le mur le modèle qu’il a déjà dessiné sur le papier. Il s’ajuste de temps en temps sur cette échelle qui l’aide à compenser les deux mètres qui le séparent de sa surface de travail. Les 15 autres participants qui travaillent simultanément sur le mural ne semblent pas le déranger. Il s’enferme dans sa bulle et donne forme à son dessin. Il réalise le portrait d’un enfant. Précisément la tête et les épaules. Le rendu est étonnant, surtout pour un artiste qui vient d’être initié durant seulement quatre semaines au graffiti.

 « Je venais à peine de me procurer quelques bombes (NDR : de peinture) pour m’initier seul quand un ami m’a parlé du cours. J’ai pas hésité d’une seconde », confie Roussel. « J’ai toujours aimé le graffiti : les couleurs, le mouvement. Mais j’ai jamais eu la possibilité de m’y exercer. J’ai donc sauté sur la première occasion », ajoute-t-il. 

La démarche du jeune artiste n’est pourtant pas sans risque. Roussel habite à Fontamara, quartier situé à l’entrée sud de Port-au-Prince. Le portraitiste doit nécessairement franchir Martissant pour venir au Centre d’Art. Martissant est une zone qui est sous contrôle des gangs. « Heureusement, j’ai jamais rencontré d’incidents malheureux. Je sais que c’était risqué. Mais je me suis dit qu’il fallait essayer. Mes parents qui sont ici en Haïti ont su que je viendrais. Mais ceux de l’étranger l’ignorent. Ils ont peur que quelque chose m’arrive. Je sais qu’ils allaient essayer de m’en dissuader », rassure Roussel. 

Ce risque, il l’a pris pour jeter les dés de son avenir artistique. Roussel rêve de consacrer sa vie à l’art mural. La formation qu’il a reçue va l’y propulser. « Je suis passionné des couleurs, surtout les couleurs chaudes. Je veux réaliser des images, des portraits géants. Dans le cours, j’ai appris des techniques qui m’aideront à travailler sur de grandes surfaces. À présent, je peux reproduire des images sur n’importe quelle surface », déclare le jeune artiste. 

Roussel manifeste sa volonté de revenir au Centre d’Art après sa première expérience. Le Centre lui a proposé une bourse pour le cours de peinture arts appliqués, qui débutera le 4 mars au Centre.