Anaïse Hector, bénéficiaire du Fonds pour la Création Visuelle 2023

© Josué Azor

PROJET

Nos corps : territoires de guerre

« Dans le contexte socio-politique chaotique actuel et la montée de la violence des gangs, les femmes et les filles ne sont pas épargnées. Ajoutés aux violences quotidiennes qu’elles subissent, leurs corps sont actuellement utilisés comme front de guerre. En témoignent les nombreux rapports sur les cas de viols enregistrés par les organisations féministes et le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH).

En tant que survivante de violence sexuelle, je souhaite, avec mon projet, insister sur l’atrocité et les conséquences de ces crimes en créant des œuvres qui témoignent des séquelles que laisse ces expériences. Mettre des formes sur les mots que je n’ai pas trouvé et que je cherche encore.

Cette série d’œuvres portera sur le combat journalier que doivent mener les survivantes de violences sexuelles : les flash-back, les cauchemars, les insomnies, les crises d’anxiété, les pensées suicidaires, la culpabilité, les relations complexes avec les autres et soi. Je veux parler du long chemin qu’il faut parcourir pour renouer avec son corps et accepter d’y survivre. Je veux représenter le chaos que laisse cette expérience.

Je présente un ensemble de 8 œuvres (chiffre du sablier et de l’éternité debout selon Unica Zürn). Dans lesquelles seront combinés la technique du batik avec de l’encre et de la cire, le collage, l’acrylique sur toile et le dessin. J’ai fait usage de mes notions en dessin anatomique pour présenter en premier plan, conformément à ma démarche artistique, des nus féminins dont la posture suggère le désespoir, la douleur ou le courage selon les œuvres. Avec le batik, j’ai créé une atmosphère surréaliste en arrière-plan qui représente le chaos externe et interne. Aussi le chiffre 8 est inscrit dans certains coins du décor pour symboliser le temps qui passe tel le sablier et l’éternité qu’il faut pour guérir.

L’objectif de ce travail est de partager ma réalité que je sais commune à de nombreuses autres filles et femmes et qui deviennent plus vulnérables dans ce contexte sociopolitique et d’insécurité. Il s’agit d’un cri d’alarme mélangé à une perspective d’espoir. Le regardeur en contemplant ces créations, pourra ressentir et compatir au fardeau des personnages représentés. Ou encore, s’il connaît secrètement cette douleur, se sentir moins seul et réconforté. »

Les oeuvres en exposition et en vente

$ 700

40 x 40, acrylique sur toile

$ 700

40 x 40, batik et acrylique sur toile + collage

$ 550

30 x 34, batik et acrylique sur toile + collage

$ 550

30 x 34, batik et acrylique sur toile + collage

$ 450

30 x 30, batik et acrylique sur toile + collage

$ 450

30 x 30, acrylique sur toile

$ 350

20 x 24, acrylique sur toile

$ 350

30 x 30, batik et acrylique sur toile + collage

Anaïse Hector

Son père est aquarelliste et sa grand-tante est une artiste peintre. Anaïse Hector grandit dans une famille d’artistes. Dès sa plus tendre enfance, ses parents lui offrent des pinceaux et de la peinture et l’incitent à peindre. Son père a toujours voulu d’une fille qui savait peindre.

Âgée de 22 ans, Anaïse Hector est née à Port-au-Prince. Elle commence à prendre ses premiers cours de dessin à l’Institution du Sacré-Cœur. Après son baccalauréat en 2018, ayant eu des difficultés à faire des choix d’études, elle s’inscrit au Centre d’Art où elle suit des cours d’arts appliqués avec Mafalda Mondestin, Pierre-Pascal Merisier (Paskö) et Pascale Monnin. Pascale Faublas lui apprend la technique du batik, une technique qu’elle utilise encore dans la création de ses œuvres. En parallèle, elle intègre l’Université d’État d’Haïti où elle fait des études en psychologie.

Après avoir réalisé un collage avec les œuvres de Luce Turnier, Judith Michel, la responsable des programme pédagogique et de soutien à la création artistique (2017), ayant remarqué son talent, l’inclut dans un programme de mentorat au Centre d’Art qui lui permet de rencontrer d’autres artistes. Le peintre Frantz Zéphirin a joué un rôle déterminant dans sa carrière. Grâce à lui, elle a pu se libérer en tant qu’artiste et trouver son univers artistique propre. 

Frida Kahlo est l’une des artistes dont l’œuvre picturale la touche énormément. La douleur qu’elle met en exergue dans son travail. Son corps mutilé qu’elle offre en sacrifice à l’art lui a imposé une autre conception du rôle d’un d’artiste. Luce Turnier l’inspire aussi. Les œuvres de Luce dégagent une force qui rentre en résonance avec ses créations et ses préoccupations esthétiques.

La visite de l’exposition des œuvres de Tessa Mars en 2019 « Island Template: Île modèle: Manman zile » à la Maison Dufort convainc l’artiste qui vit en elle de sauter le pas et de commencer à travailler sur le nu en faisant fi des contraintes familiales et sociétales. Les œuvres d’Anaïse Hector démontrent une réelle préoccupation sur le corps féminin. Le nu qui ressort dans ses œuvres constitue, pour elle, un réel acte de liberté qui lui permet de se libérer de tous les carcans sociaux et de toutes les prisons qui l’empêchent d’être elle-même. Son autoreprésentation dans ses toiles est une manière pour elle de s’exprimer pleinement avec ses vulnérabilités et ses blessures secrètes.

En 2023, Elle a été l’une des gagnantes de l’Appel à création de la sixième édition du Festival féministe Nègès Mawon sur le thème Pitit fi m. En 2022, elle a exposé ses œuvres à la Fondation Toya et à la Maison Dufort. Elle a participé à une exposition virtuelle à la galerie Choper Chunky en Angleterre en 2021 et en 2020, elle a exposé ses œuvres au Centre d’Art lors de la restitution des travaux d’élèves.