Ciné d’Art : Sébastien Jean, "un artiste universel"

Projection du film « Sébastien Jean, un peintre habité » © Charly Amazan

À travers le film « Sébastien Jean, un peintre habité », projeté ce 24 février, il a été question de découvrir une œuvre profondément symbolique, mais aussi une création capable de susciter universellement une résonance émotionnelle ou intellectuelle.

Le Centre d’Art a choisi de présenter, lors de la reprise de Ciné d’Art, ce film sur Sébastien Jean, qui aurait eu 44 ans le 9 mars prochain, afin de rendre hommage à ce génie artistique parti trop tôt.

Sébastien Jean a débuté sa carrière de plasticien en 2004. Avant cela, il était artisan. Il réalisait des dessins et peignait sur des tiges de bambou, entre autres. « Je l’ai découragé », a confié sèchement Mireille P. Gérome, qui est apparue dans le film. « Pour moi, cela n’avait aucune valeur particulière. Et je sentais chez lui la volonté, voire la capacité, de faire mieux », a-t-elle insisté.

Sébastien Jean. © Archive le Centre d’Art

Cinq ans plus tard, en 2009, il réalise sa première exposition individuelle à l’Institut Français de Port-au-Prince, avec le soutien et les conseils de l’artiste plasticien de renom Mario Benjamin. Soulignons qu’un incendie avait dévoré en 2006 une bonne partie de sa création. En novembre 2010, il participe à l’exposition « Caribbean Vibrations » au musée Montparnasse, à Paris. Quelques semaines plus tard, il est invité par la galerie Egrégore de Marmande où il expose en solo ses peintures et sculptures pour l’inauguration de l’espace.

« Je suis étonnée de voir une progression aussi fulgurante », a exprimé Milda Jean en marge de la projection. « En même temps, cela semble évident, surtout lorsque l’artiste transpose toute son âme dans son œuvre », a-t-elle ajouté.

Causerie en marge de la projection. © Charly Amazan

Paul, qui partage l’avis de Milda, croit que cette force qui caractérise sa création est celle de ses ancêtres, du vodou. « Son œuvre peut ne pas être essentiellement vodou, l’artiste peut ne pas le reconnaître, mais ceux qui nourrissent des liens solides avec le vodou sauront reconnaître cette force qui habite ses toiles, ses sculptures. Ce sont des sensations qu’ils avaient déjà ressenties dans les lakou, les péristyles… dans des danses », a-t-il tenté d’expliquer.

Si d’autres observateurs ne lient pas son art au vodou, ils croient tout de même qu’il est un « peintre habité », comme le professeur Christian Raccurt ou la cinéaste Marise Jean-Louis Jumelle, qui, dans le film, estiment que l’art de Sébastien « est mu par des forces intérieures ». Sa femme intervenant aussi dans le film, pense qu’il puise « son inspiration dans l’au-delà, parce qu’il ne peint pas comme les autres ».

Tout compte fait, l’artiste lui-même a avoué qu’il ne se rendait pas compte de ce qu’il faisait. « Cela sort de mes tripes. Et même quand j’expose, il m’est toujours difficile de mettre un titre sur mon tableau. Quand on me pose la question, je ne peux rien dire à ce sujet, je ne peux pas expliquer mes tableaux », a-t-il confié, soulignant qu’il faisait un art qui n’a rien à voir avec le vodou.

La portée universelle de son œuvre 

Xavier Dalencour, qui animait la causerie aux côtés de Sandra Duvivier, refuse de classifier l’œuvre de Sébastien Jean, encore moins dans le prisme du système de classification artistique occidental. « Le référentiel de Sébastien est celui d’une liberté absolue », a-t-il déclaré. « Il s’inscrit dans le cheminement des artistes africains contemporains, qui remettent en question le monde occidental et sa définition de domination culturelle », a-t-il observé.

Xavier Dalencour, l’un des animateurs de la causerie autour du film. © Charly Amazan

Son œuvre parvient à communiquer avec les spectateurs, que ce soit ici ou ailleurs, de manière à susciter chez eux une résonance émotionnelle ou intellectuelle. Sandra Duvivier a rapporté, lors de l’exposition « Haïti, deux siècles de création artistique » à Paris, que des étrangers le sollicitaient de toutes parts pour le questionner sur l’essence de son travail, des questions auxquelles il ne pouvait lui-même répondre. « C’est quelque chose qui vient de l’intérieur. Il n’est pas sûr qu’il domine lui-même ce qui se passe », a martelé le professeur Christian Raccurt.

Cette énergie qui habite ses œuvres, et qui, comme l’a souligné Mirelle Pérodin Gérome, ne peut laisser indifférent, contribue à rendre sa création universelle.

« Chacun peut s’exprimer à travers son œuvre », a affirmé le collectionneur Phillipe Brutus dans le documentaire.