De Port-au-Prince au Cap-Haïtien, Heritz Joseph mise sur le Centre d’Art

Après des débuts à Port-au-Prince, Heritz Joseph poursuit sa formation artistique au Cap-Haïtien grâce aux programmes décentralisés du Centre d’Art. Une aubaine pour ce jeune artiste, qui voit dans cette expérience une chance unique de se construire à travers l’art.
Rien ne laissait présager une telle rencontre. Originaire de Limonade, Heritz a grandi dans la commune de Cap-Haïtien, dans le Nord du pays. Ce n’est qu’après ses études secondaires que sa famille l’envoie à Port-au-Prince pour entamer des études universitaires. C’est à l’Université Kiskeya, où il poursuit un cursus en relations internationales, qu’il entend parler pour la première fois du Centre d’Art.
« Un ami qui me voyait dessiner m’a conseillé de fréquenter le Centre d’Art. Il pensait que l’institution pourrait m’accompagner et révéler l’artiste qui sommeillait en moi. Quelque temps plus tard, j’ai vu dans la cour de l’Université une affiche annonçant un cours de dessin anatomique. C’est là que tout a commencé », se souvient-il.
En 2018, Heritz Joseph participe à son premier atelier au Centre d’Art. Il est accompagné par Reginald Girault, animateur du cours de dessin anatomique.
« J’avais l’habitude de dessiner, mais je terminais rarement mes œuvres, car je recherchais constamment la perfection. C’est avec Réginald que j’ai appris à me libérer de mes appréhensions. Le travail sur le volume, l’étude des formes et de la lumière ont profondément contribué à mon évolution artistique. »
Après cette première expérience, Heritz décide de poursuivre son aventure au Centre d’Art. Il enchaîne avec un atelier de peinture animé par Frantz Zéphirin, qui marque un tournant décisif.
« J’avais peur du pinceau. Je n’aimais pas la peinture. Peut-être par peur de découvrir ma médiocrité, ou parce que je pensais que c’était trop difficile », avoue-t-il. « Frantz Zéphirin a tout déconstruit dans ma tête. Il a tellement banalisé la pratique que j’ai réalisé que ce n’était pas aussi compliqué que je le pensais. »

Par la suite, il suit un cours de peinture anatomique avancée avec Reginald Girault. Sa progression est telle que le Centre d’Art l’invite à participer aux Journées des artistes en 2023 et 2024. Ces journées réunissent plusieurs artistes dans les locaux du Centre pour une session de création, avec mise à disposition de matériel. Heritz devient alors un habitué des activités du Centre : Ciné d’Art, conversations avec les artistes, expositions… Il cherche à « aiguiser sa connaissance de l’art et nourrir sa culture visuelle ».
En novembre 2024, la situation sécuritaire pousse le Centre d’Art à fermer ses portes à Port-au-Prince. En mars 2025, ne pouvant plus poursuivre ses études, Heritz retourne au Cap-Haïtien. Le choc est dur pour le jeune plasticien :
« Il n’y a pas beaucoup d’espaces de création et de promotion de l’art. Il est aussi difficile de se procurer le matériel nécessaire pour continuer à créer. »
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. En février 2025, le Centre d’Art lance un programme décentralisé dans le Nord. Deux ateliers de formation sont annoncés : Heritz postule, et ses deux candidatures sont retenues. Il suit alors un atelier de résine avec Maksaens Denis, et un atelier de peinture avec Frantz Zéphirin. Il assiste également aux conversations artistiques animées par les deux formateurs.
« Fréquenter le Centre d’Art a été la chose la plus décisive dans mon parcours artistique. Il y a eu un grand changement dans ma perception de l’art et de la peinture. Avant, je faisais surtout du dessin d’observation, réaliste, des portraits, des images qui plaisent immédiatement. Maintenant, j’ai compris qu’on peut puiser dans ce qu’on ressent pour l’exprimer visuellement — et cela peut aussi éveiller une émotion chez le public. »
Heritz espère aujourd’hui que le Centre d’Art maintiendra ses activités dans la ville du Cap :
« Je pourrai progresser avec le soutien des formateurs, leurs conseils, leur influence. Et cela pourrait insuffler une nouvelle dynamique dans le monde créatif de la ville », conclut-il.