Fonds pour la Création Visuelle 2023 : « l’expression d’une certaine liberté de création »

© Charly Amazan

L’exposition des 7 artistes à la Maison Dufort, du 24 novembre au 03 décembre 2023, offre une plongée captivante dans une diversité d’expressions artistiques. C’est ce à quoi s’engage le Fonds pour la Création Visuelle : promouvoir la liberté créative dans l’univers artistique haïtien.

La Maison Dufort, du 24 novembre au 03 décembre, se transforme en un lieu où la créativité et l’expression artistique sont célébrées dans toute leur diversité, formant ainsi un paysage artistique éclectique et enrichissant. Chaque œuvre raconte une histoire, et est soit le fruit d’un ressenti ou l’expression d’un engagement. 

Dashka-Rheyna Charlemagne et Anaïse Hector, exposées respectivement au rez-de-chaussée et sur les escaliers qui conduisent à l’étage de la maison Gingerbread, ont choisi de s’ouvrir dans leurs créations, mettant à nu leurs ressenti, leur vécus. Leurs œuvres sont exclusivement lyriques.

Dashka a réalisé cinq tableaux qu’elle regroupe sous le thème « Danser avec mes démons ». Des œuvres à travers lesquelles elle exprime ses relations intra-personnelles et ses états d’âme. Ses œuvres sont la somme de sa conception de l’art : un déversoir qui lui permet d’écouler son trop plein intérieur. 

Des toiles de Dashka-Rheyna Charlemagne. © Charly Amazan

« Nos corps, territoires de guerre », d’Anaïse est tout aussi personnel, mais avec une petite ouverture sur l’alter ego. Car la jeune plasticienne du Centre d’Art a présenté des peintures – toutes des autoportraits – où elle partage sa réalité qu’elle croit commune à plusieurs autres femmes. Des femmes qui ont été victimes de viols et qui ont des difficultés à s’affronter et à supporter le regard des autres. « Je veux parler du long chemin qu’il faut parcourir pour renouer avec son corps et accepter d’y survivre. Je veux représenter le chaos que laisse cette expérience », a déclaré l’artiste de 22 ans. 

Ses peintures, huit (8) au total, portent sur le combat quotidien que doivent mener les survivantes de violences sexuelles : les flash-backs, les cauchemars, les insomnies, les crises d’anxiété, les pensées suicidaires, la culpabilité, les relations complexes avec les autres et soi. 

Des toiles d’Anaïse Hector. © Charly Amazan

Si les sculptrices de Croix-des-Bouquet parlent aussi de la violence faite aux femmes et aux filles dans leurs œuvres, elles abordent le thème de la violence dans un cadre un peu plus large. Guerlande Balan et Chrisnaïka Desrosiers ont illustré, avec le métal découpé, la terreur installée par des hommes armés dans leur communauté. Elles ont littéralement exposé les causes et les conséquences de ces violences. À elles deux, elles ont réalisé 22 sculptures qui sont exposées au rez-de-chaussée.

Des sculptures de Guerlande Balan et de Chrisnaïka Desrosiers. © Charly Amazan

Max Grégoire Benjamin, dont la technique artistique se distingue par l’utilisation d’épingles, et l’intégration des éléments de récupération, veut ramener les Haïtiens à la source à travers son « Mozayik mistik ». Celui-ci, présenté sous la forme d’une installation, mobilise un ensemble de divinités du panthéon vodou dont Ayizan, Ogou, Freda, Marassa, Danto, Ayida, Legba, représentées sous forme de vèvè. Elles sont fixées sur des panneaux de forme carrée ou cubique. 

Oeuvres de Max Grégoire Benjamin. © Charly Amazan

L’objectif de Max est de restituer l’histoire de la traite négrière en montrant la façon dont « les divinités, malgré les difficultés de la grande traversée, ont permis aux ancêtres de rester fidèles à leur alma mater, c’est-à-dire tout ce qu’il avait comme charge culturelle et symbolique », a-t-il expliqué. 

Par exemple son bateau qui est intégré dans l’installation, pour lui, symbolise l’unité des dieux et des déesses qui ont accompagné les esclaves tout au long de la traversée transatlantique sur le Négrier.

Oeuvres de Max Grégoire Benjamin. © Charly Amazan

Windel Jeune s’inscrit aussi dans la restitution de l’Histoire, mais avec une approche moins engagée. Il illustre par exemple le retour de Christophe Colomb en Espagne, le débarquement de Christophe Colomb au Môle Saint Nicolas. Il est exposé au rez-de-chaussée.

Des toiles de Windel Jeune. © Charly Amazan

Gheslaire St Hilaire est le seul des bénéficiaires qui n’a pas ses œuvres exposées physiquement. L’artiste numérique a voulu créer une expérience de réalité virtuelle permettant aux participants de s’immerger dans un monde artistique numérique célébrant l’intersection de l’art et de la technologie. L’objectif principal est de permettre aux participants de vivre une expérience artistique engageant plusieurs de leurs sens, tout en mettant en évidence l’influence de la technologie moderne sur la créativité artistique. Les visiteurs de l’exposition ont pu voir ses œuvres dans des casques de réalité virtuelle.

Un visiteur qui admire les œuvres de Gheslaire St Hilaire à travers un casque de réalité virtuelle.© Charly Amazan

Cette diversité artistique est « l’expression d’une certaine liberté de création », croit Michèle Duvivier Pierre-Louis, Présidente du Conseil d’administration du Centre d’Art. « Même quand vous vivez dans des situations difficiles, mais vous détenez la liberté pour créer. C’est ce que nous promouvons au Centre d’Art », s’est-elle réjouie.  

Michèle Duviver Pierre-Louis prononçant un discours lors du vernissage de la restitution-vente. © Charly Amazan

Elle s’est dit également ravie de constater que le Centre d’Art continue sans hésiter à jouer son rôle central de promotion des artistes Haïtiens, mais surtout de mise en valeur d’une nouvelle génération qui invente ou qui renouvelle des modes d’expressions tout à fait singulières.