Lionel St Éloi, artiste du mois de janvier

La montée de l’insécurité à Carrefour-Feuilles n’ébranle pas Lionel St Éloi. L’artiste travaille à dynamiser son atelier en faveur des enfants qui restent dans la zone.

© Josué Azor

Ses yeux sont figés sur l’œuvre. L’air contemplatif, jusqu’à ce que ma voix le trouble dans son observation. « C’est la première fois que tu la voix depuis son achèvement ? », lui demandé-je. « Oui ! La première fois », répond-il d’un ton ludique, le regard tourné vers moi. Ses pas ne tardent pas à suivre ses yeux. Lionel St Éloi me rejoint sous le sapotillier qui est vis-à-vis du bâtiment administratif du Centre d’Art. « On a jugé bon de l’accrocher à la surface externe du hangar, visible depuis la rentrée du Centre », lui expliqué-je. 

Cette œuvre a été achevée en décembre 2022. C’est le fruit de la carte blanche de Lionel St Éloi. Le Centre d’Art la lui a donnée au mois de mai. C’est un assemblage composé de fer découpé, de récupération. Je n’ai pas pu résister à lui poser cette question qui me titille : « Qu’avez-vous voulu exprimer à travers cette œuvre ». « Je ne sais pas, franchement. J’ai été emporté par le feeling du moment. Un contexte marqué par l’insécurité. Je préfère laisser les autres regarder pour se faire leurs propres idées selon le dialogue qu’ils entreprennent avec elle », me répond-il gentiment. « Et toi. Que vois-tu ? », m’interroge-t-il. 

Voyant mon embarras, il change de sujet. Il me parle de son projet à Carrefour-Feuilles. Il souhaite réhabiliter son atelier. Un atelier d’art. Pas seulement « d’art plastique », précise Lionel. « Une première partie est achevée. Zikiki (son fils ndlr) est en train de monter un studio d’enregistrement de musique », détaille le plasticien. « Nous travaillons avec des enfants. » 

Mon étonnement est si visible que Lionel le remarque. Carrefour-Feuilles est de plus en plus déserte. Avec la recrudescence de l’insécurité, les gens sont contraints d’abandonner leurs maisons. Les hommes du gang de Grand-Ravine y font des descentes fréquemment. « Ce projet, c’est pour soutenir ceux qui y restent ? », lui demandé-je. « Oui », répond-il sèchement. Avant d’ajouter : « Certains ne partiront pas. Comme moi je ne partirai pas ».

Cet espoir qui m’anime me permet de croire que des jours meilleurs se pointeront à l’horizon. Une espérance que je veux transmettre à travers mes œuvres.

Lionel St Éloi

Je lui demande s’il a de l’espoir. « L’espoir m’habite », dit-il. « Ma création est la matérialisation de l’espoir que je porte. Car, créer pour moi, c’est manifester une volonté de laisser quelque chose pour ceux qui nous succèderont. Et si nous léguons des héritages à ceux qui viendront après nous, c’est que nous croyons en un lendemain, peut-être meilleur », martèle-t-il, la voix fébrile. « Les contextes politiques et économiques du pays secouent les artistes. Je ne suis pas en reste. Mais cet espoir qui m’anime me permet de croire que des jours meilleurs se pointeront à l’horizon. Une espérance que je veux transmettre à travers mes œuvres », conclut Lionel St Eloi. 

Trente minutes se sont écoulées. Nous n’avons pas vu l’heure passer. Il était au Centre pour une séance photo. Nous nous sommes quittés avec ces mots d’espoir qui m’interpellent depuis.