Opinion : La 277ème exposition du Centre d’art, une exposition à faire parler

Jean Herard Legagneur qui anime une causerie lors de la première Journée Découverte de l’année 2023 du Centre d’Art. © Charly Amazan

En m’invitant à donner mes impressions sur cette exposition, on a mis à l’épreuve mon pouvoir à ressentir et à exprimer des émotions au contact d’un tel événement. Cet exercice me situe d’emblée sur le terrain mouvant du « jugement de goût », c’est-à-dire de la traduction de la relation subjective qui m’unit au dit événement. Car, je suis donc convié à dévoiler les sentiments que j’éprouve devant des peintures et sculptures, des vidéos et photos, etc., eu égard à la façon dont elles mettent en images le thème qui structure cette exposition : la violence. 

Le traitement qu’a reçu ce thème à travers les œuvres, notamment les sculptures, capte l’attention et frappe autant les esprits. Cela s’opère tant par l’adéquation de ces œuvres avec les réalités sociopolitiques se produisant en Haïti depuis un certain temps que par les scénographies envisagées par Mario Benjamin pour les mettre en dialogue. De ce fait, nous soutenons que c’est une exposition qui, à plusieurs égards, parle au public. Par conséquent, il revient à ce même public de la faire parler, à son tour.

Une exposition qui parle

Cette exposition parle principalement en mettant en scène des figures assimilables à bien des acteurs impliqués dans l’entretien des violences qui s’abattent sur Haïti. De la sorte, l’exposition se comprend dans la continuité de la sculpture exposée sur la cour du Centre d’art et réalisée par Lionel St-Eloi, en 2022. Elle montre des anges pourchassant des bandits et confisquant leurs armes de guerre « made in USA ».

L’exposition prend ainsi le sens d’une requête adressée au Centre pour lui demander de garder ce cap, à la veille de la célébration de son quatre-vingtième anniversaire de création. Il en ressort que cette exposition marque définitivement un tournant dans la vie du Centre dans la mesure où elle inaugure un nouveau discours sur l’art plastique, et signe par la même occasion son entrée dans une nouvelle logique d’exposition. 

Une exposition à faire parler

Faire parler l’exposition, c’est essayer d’en dégager autant de de leçons que possibles. Par exemple, la vidéo où Maksaens Denis fracasse son front contre une vitre nous apprend, selon toute vraisemblance, que la violence en question n’est qu’une autoflagellation. Ce serait une manière pour l’artiste d’appeler les Haïtiens à la lucidité et à la responsabilité. Le long temps que passe l’artiste à se tracasser avant de briser la vitre à l’aide d’un marteau correspondrait à la tergiversation de nos compatriotes face au problème de l’insécurité à laquelle nous sommes confrontés. C’est là un appel aux Haïtiens à sortir de leur zone de confort afin de mieux appréhender ce qui se passe autour d’eux pour pouvoir agir en conséquence. Ou mieux encore, une invitation à dénouer les nœuds de cette violence d’État et du grand banditisme international qui l’entretient.

L’exposition nous convie à désirer, pour ainsi dire, pour nous-mêmes et pour Haïti, ce qui leur manque actuellement le plus : le respect du droit à la vie.