Reginald Girault, l'enseignement de l'art dans les veines

Reginald Girault enseigne le dessin au Centre d’Art. Il habite à Carrefour. Malgré la guerre des gangs qui s’installe dans la 3e Circonscription de Port-au-Prince depuis juin 2021, Girault n’a pas démordu, quitte à traverser Martissant pour venir dispenser son cours. 

Il a 10 ans quand il réunit ses frères et sœurs, des enfants du voisinage pour leur enseigner le dessin. Assez tôt, Reginald Girault montre des qualités artistiques intéressantes qui nourrissent chez ses parents beaucoup d’espoir, particulièrement son père, le fameux Carl Girault, peintre et encadreur qui a marqué l’histoire de l’art haïtien. Réginald grandit dans un carrefour traversé par de nombreuses ondes artistiques. Son père reçoit dans son atelier à Mariani, une petite ville à Carrefour, de grands noms de la peinture qui viennent encadrer leurs tableaux ou parler de l’art. l’établissement de contact avec Bernard Séjourné, Jena René Jérôme, Jean Claude Castera, Marie Claude Gousse, Jean Claude Garoute ne peut laisser l’enfant sans réaction. Reginald sait sur quel navire s’embarquer en ce qui concerne sa vie professionnelle. En plus du dessin, il apprend la peinture et la sculpture. Ses parents l’encouragent à intégrer l’École Nationale des Arts où il laisse des traces d’un brillant dessinateur et peintre. 

Reginald peaufine ses capacités pour le dessin et la peinture dans l’atelier de Richard Barbot avant d’embrasser son métier de cœur, l’enseignement. En 2011, il lance Haïti Couleur et Dessin, une école pour des jeunes enfants à Turgeau qui enseigne le dessin et la peinture. « J’avais un rêve. Former des jeunes en dessin, en peinture pour ensuite leur donner un espace afin qu’ils puissent monnayer leur talent. Je contribuerais à la réduction de la délinquance juvénile pensais-je. C’est pour cela que je m’investis autant dans l’enseignement » confie Reginald Girault. Il fonde en 2012 avec un ami, Sonje Haïti, un espace pour la valorisation et la promotion de l’art haïtien dans le monde. 

2013, l’année sombre

Reginald est contraint de fermer son école et Sonje Haïti en 2013. Accidentellement un feu incendie son atelier. L’héritage de toute une vie part en fumée. L’addition est salée. L’artiste est effondré. Il avait vu l’héritage de ses parents s’écrouler sous les poids des troubles politiques du pays pendant la deuxième moitié du XXe siècle. L’atelier de son père a fait faillite à la suite de l’embargo subi par Haïti au début des années la dernière décennie du siècle précédent. Le peintre fait une dépression, il peine à se relever. 

2014, l’année du renouveau

Comme le Phoenix, l’enseignant se relève de ses cendres et poursuit son idéal. En 2014, il enseigne la peinture et le dessin à des enfants à Martissant avec l’aide d’une ONG. La même année, le peintre fait du bénévolat à l’École nationale des arts. En 2019, il rejoint le Centre d’Art. « Je ne peux me plaindre de ces 3 ans de collaboration. Et c’est parce que nous nous entendons assez bien que nous avons renouvelé cette coopération » lâche Reginald gaiement dans un sourire maladroitement dissimulé. « C’est d’ailleurs une fierté pour moi de transmettre mes compétences comme enseignant du Centre. Mon père m’y emmenait quand j’étais petit. Il était encadreur pour le Centre » raconte le menuiser. 

 Reginald Girault habite à Carrefour depuis son enfance. Depuis le 1er juin 2021, il n’a plus la même latitude pour se rendre dans la capitale. La guerre des gangs à Martissant rend la traversée difficile. L’administration a été surprise de savoir que le dessinateur est disponible pour dispenser le cours de dessin pour  la première session de l’année 2022. « Je ne peux dire que l’enlisement du pays ne m’a pas affecté. Cependant je reste attaché à ma première ambition : investir dans les jeunes pour apporter ma quote-part dans le développement de ce pays » renchérit Réginald, la voix sereine.