Sébastien Jean dans nos pensées, 4 ans plus tard

Le Figuier maudit est une sculpture. Elle est une œuvre collective réalisée sous la direction artistique de Sébastien Jean. © Archive le Centre d’Art

Au cœur de la cour du Centre d’Art, se dresse un structure métallique captivante, réalisée sous la direction artistique de Sébastien Jean, et inaugurée le 9 mars 2019. Cette sculpture témoigne de l’imaginaire débordant du plasticien qui aurait célébré ses 44 ans le 13 mars prochain.

Le Figuier maudit est une structure robuste en métal sur laquelle sont suspendus, aux extrémités de ses branches, des ustensiles émaillés, autrefois, indispensables dans les ménages haïtiens. Cette installation rappelle « la simplicité et la particularité des traditions ancestrales ». On y trouve attachés des mugs (appelés goblè en créole), des assiettes, des pots, et bien d’autres objets.

Une cafetière émaillée qui sert de branche au Figuier maudit. © Archive le Centre d’Art

La sculpture ramifie presque autant de significations que de branches. Originaire de Thomassin, l’artiste y trouve une manière de saluer ses expéditions enfantines à Haut Figuier. L’arbre et la vaisselle rappellent les cérémonies vodou d’offrande au pied d’un figuier pour sauver un enfant malade.

L’entrechoquement des pièces en émail orchestré par le vent fait écho à la chanson Strange Fruit de l’artiste afro-américaine de jazz, Billie Holiday. Le mouvement des objets mime le balancement des corps d’esclaves pendus aux figuiers, souvenir du récit d’un vieux Martiniquais que Sébastien a rencontré à la Fondation Clément.

Parce que le passé recèle de symboles à résonance contemporaine, aujourd’hui, le Figuier maudit produit des assiettes vides et ainsi bourgeonne la révolte…

Les participants à l’atelier qui a conduit à la création de l’œuvre ont été frappés par cette grande créativité et cette profusion d’idées. « Sébastien est un artiste-né, un artiste dans l’âme », a déclaré Jean Robert Alexis. « Tout ce qu’il touche, il le transforme en objet artistique », a observé Réginald Senatus. « J’ai été fasciné par son imagination qui parfois me dépassait », a-t-il ajouté.  

Sébastien a bénéficié de cette carte blanche environ 18 mois avant sa mort tragique. 

Il est né le 17 mars 1980 à Thomassin, en Haïti. Il est à la fois peintre et sculpteur autodidacte. Encouragé par sa mère, dès l’âge de 13 ans, il commence à travailler toutes sortes de matériaux comme la céramique, à réaliser des objets d’artisanat d’art, des gravures, des modelages, à dessiner et à peindre sur des tiges de bambou, pratique qu’il continue jusqu’à l’adolescence.

Sébastien Jean. © Archive le Centre d’Art

En 2000, une visite de l’exposition de l’artiste Barbara Prézeau Stephenson donne naissance à une nouvelle étape esthétique dans l’œuvre de Sébastien. Il commence par réaliser des masques, des costumes et des décors de carnaval avec des créateurs de mode et des chorégraphes. Déchirures sont plutôt des chimères intérieures, ses propres déchirures. En 2001, il s’adonne à l’art contemporain et commence à travailler avec des matériaux de récupération comme support.

Il abandonne la pratique de la peinture artisanale en 2004, pour faire l’expérience artistique de la peinture sur des toiles de grand format en associant du noir de fumée à la couleur, donnant ainsi à ses tableaux un clair-obscur très particulier.

En 2006, son atelier est détruit par un grand incendie. Sébastien sauve tout ce qu’il peut. Il travaille à nouveau et transfigure certaines de ses toiles. Il met en lumière un univers singulier peuplé de monstres prédateurs, d’oiseaux de proie, de fantômes errants. Une vision spectrale d’un monde tourmenté. Le 4 décembre 2009, il expose individuellement, pour la première fois, son travail à l’Institut français de Port-au-Prince avec le soutien et les conseils de l’artiste plasticien de renom, Mario Benjamin.

Accompagné dans son parcours par ce dernier, c’est à lui que Sébastien doit la découverte d’artistes modernes célèbres, comme le maître de l’expressionnisme abstrait, Jackson Pollock, à travers des catalogues d’exposition, des monographies qu’il lui montre. C’est Mario Benjamin qui l’aide à trouver sa propre voie, son expression personnelle.

Sébastien Jean. © Archive le Centre d’Art

Bien vite, cet artisan est devenu un artiste confirmé. Soutenu par d’autres artistes reconnus et des amis, il séduit les collectionneurs qui manifestent de l’intérêt pour son travail.

Dans les années 2010, la carrière de Sébastien Jean prend une envergure internationale. En novembre 2010, il participe à l’exposition « Caribbean Vibrations » au musée Montparnasse. Quelques semaines plus tard, il est invité par la galerie Egrégore de Marmande où il expose, en solo, ses peintures et sculptures pour l’inauguration de l’espace. En avril 2011, il participe à une exposition collective « Haïti Royaume de ce monde », hommage à JEAN -Michel Basquiat et Edouard Glissant, présentée à Paris par la Fondation Agnès B., puis à la 54e biennale de Venise et à Miami. 

En 2014, il est désigné Artiste de l’Année Gens de la Caraïbe par l’association GENS DE LA CARAIBE. Cette même année, l’Institut Français de Port-au-Prince lui donne “Carte blanche’’. Il réalise une « arche » en feuilles de métal qui sera exposée dans les jardins de l’institution.

Après l’exposition « HAITI, deux siècles de création artistique » au Grand Palais en 2014-2015 (Paris), et « Illusions Troubles » en 2015 à Maelle galerie (Paris), Sébastien JEAN poursuit sa route et expose à nouveau dans une galerie Parisienne, la Seven Gallery. (2015).

Sébastien JEAN participe à plusieurs résidences de création artistique à l’Artocarpe, en Guadeloupe, au Vieux Château et à la cité des Arts à Paris, puis à Limoges, toujours en France, consolidant ainsi tous ses acquis. Les réalisations de Sébastien sont exposées partout dans le monde notamment en Haïti, en France et aux États-Unis.

Il est mort le 24 novembre 2020.