Vernissage de la restitution-exposition de l’atelier CDA : « regarder notre vécu en face »

Les plasticiens ont reconstitué, à travers leurs œuvres, le quotidien haïtien à la Maison Dufort. Certains visiteurs le regardent avec courage, d’autres avec regret.

Laure Remy promène un regard curieux sur deux des sculptures de forme humaine installées sur la cour de la Maison Dufort. Elle interroge la relation qu’il y a entre elles, quand une main posée sur son épaule gauche l’interrompt brusquement. « Il est interdit de toucher aux œuvres », lui rappelle Marc. Elle redirige, sur les sculptures, ses yeux qu’elle avait légèrement tournés vers son ami en guise de signe d’acquiescement. 

L’une des sculptures qui retient l’attention de Laure est une œuvre grande de plus d’un mètre, les jambes un peu écartées, tenant avec ses deux mains sur sa tête une pierre suspendue, prête à être lancée en direction d’une autre sculpture. Celle-ci, penchée sur son côté gauche, à la main droite suspendue devant son visage, essayant maladroitement de se protéger la tête du lancement de la pierre. « C’est une illustration parfaite du mouvement bwa kale », l’interrompt à nouveau Marc. « La représentation est réussie », répond Laure. « C’est surtout le sens du détail qui m’impressionne le plus ». 

Ces sculptures en béton sont des œuvres de Marc Constant et de Pierre Steevenson. Ils tiennent leur atelier à Bourdon. Ils ont créé les 20 sculptures de l’exposition entre le mois de mai et juillet 2023. Marc est le mentor de Steevenson. C’est lui qui lui a enseigné en 2015 la technique de création en béton. Il utilisait la pierre pour réaliser ses sculptures. Dix-huit d’entre elles sont exposées sur la cour de la Maison Dufort, une autre à l’arrière-cour, et la 20e à l’intérieur de l’établissement, à quelques pas de la porte d’entrée. Celle-ci partage le rez-de-chaussée avec les œuvres des photographes Pierre Michel, Josué Azor, Maksaens Denis et Koffi Seble. 

« Avant qu’un ami ne me dise que ces photos sont celles d’un Congolais prises en Afrique, je ne l’aurais pas imaginé. Je pensais qu’elles étaient prises dans un quelconque endroit à Port-au-Prince », explique Georchmy Ludovich. « On est tellement loin, mais si près ; c’est très intéressant de voir ces images. Les mêmes vulnérabilités, les mêmes résiliences, la même morphologie. Moi je pense que l’on doit se serrer les coudes et combattre nos ennemis communs ». 

Les photos dont parle Georchmy sont capturées par le Togolais Koffi Seble dans son pays. Il est photographe depuis 2014. Il figure parmi ceux qui ont révolutionné le shooting photo de rue à Lomé. Il immortalise le Togo dans ses traditions, ses coutumes ; dévoiler les visages fiers de ses compatriotes dans leurs pratiques quotidiennes.  Le travail photographique de Koffi Seble s’inscrit aussi dans la démarche de promouvoir l’identité́ intrinsèque tant culturelle et spirituelle de l’Afrique, et surtout montrer la beauté du continent à travers ses mystères. 

Presque toutes les photos sont imprimées sur plexiglass et présentées sur des structures en acier de 3 mètres de haut réalisées par l’architecte Akim Georges qui a été aussi l’artisan de la maquette qui a guidé les artistes dans leurs explorations. Les autres photos sont imprimées sur les façades principales et postérieures de la Maison Dufort.

Bertho Jean Pierre est le seul plasticien exposé au-rez-de-chaussée qui n’est pas photographe. Il est peintre. Il a réalisé un tableau 100×100. « Je pense que Bertho prend de la valeur », répond Jean Marc, questionné sur l’œuvre du jeune peintre. « J’ai vu un remarquable tableau exposé à l’exposition Confluence. J’ai appris qu’il était de lui. J’aime sa technique. S’il continue comme ça, il explosera. Il a beaucoup de talent », croit-il. 

Bertho a trouvé sa voie au Centre d’Art. Mario, le directeur artistique de l’atelier, l’avait encouragé durant une séance de critique sur les œuvres des jeunes artistes par des ainés. Depuis, le natif de Carrefour peaufine sa technique. Tout comme Youvensky Despeignes exposé au premier étage, sur la balustrade. 

il a commencé à fréquenter le Centre d’Art en 2015. Son talent a poussé Mario Benjamin à le prendre sous son aile. Ils travaillent et produisent ensemble depuis quelque temps. 

Maksaens Denis est le seul qui exploite deux médiums dans l’exposition. Il a proposé des photos et des vidéos. David Charlier et Francisco Silva sont deux autres artistes exposés au premier étage.